Plus tard, en rentrant chez moi, je n'ai pu
Plus tard, en rentrant chez moi, je n'ai pu m'empêcher de faire le rapprochement avec la mort de mon père. Mon père n'était pas ce qu'on appelle "un croyant" ou disons plutôt que cet homme ne croyait pas en grand chose. Enfant, j'avais toujours eu pour lui des sentiments mitigés parfois mêlés de crainte et de curiosité. Le fait sans doute qu'il ne soit jamais là, nous laissant ma mère et moi livrés à nous-même dans un monde où matériellement, nous n'étions pas toujours à l'abri. Je ne lui en ai jamais vraiment voulu. L'alcool et les femmes, l'argent facile l'avaient définitivement écarté du reste de la société et de ses responsabilités familiales. Sa carrière dans la politique fut très brève et il ne tarda pas plus tard à sombrer dans une sorte de mélancolie morbide, rêvant de ce qu'il n'avait jamais réussi à atteindre. Alors que j'avais à peine 6 ans, il fut emporté par un cancer généralisé. Je me souviens que sur son lit d'hôpital, il confia ses dernières paroles à ma mère en déclarant qu'il avait été un époux indigne et qu'il demandait pardon . Il réclama également la présence d'un prêtre. Ma mère qui n'était pas très croyante non plus - et encore moins pratiquante - était visiblement très surprise par cette dernière volonté. Deux jours plus tard, le Père H. aumônier de l'hôpital et que je revis d'ailleurs des années plus tard fit irruption dans la chambre. Cet homme d'une taille imposante m'impressionnait par son allure élégante, sa longue soutane lui donnant un air encore plus solennel. Il donna l'onction des malades puis vint le moment où ma mère et moi dûmes quitter la pièce car c'était le moment de la confession. Naturellement, je n'ai pas su ce que mon père a dit ce jour là et je ne le saurai sans doute jamais.
Avant de mourir, il me prit une dernière fois la main comme pour me signifier la tendresse qu'il n'avait jamais eu à mon égard. Je la retirai aussitôt : ce que Dieu oublie à tout jamais, je ne pouvais l'oublier à mon tour.